jeudi 18 septembre 2008

La buée (extrait d'un livre en cours)



 

Buée de buées, a dit le Sage des Cinq Rouleaux. Oui, buée de buées, tout est buée dit tout autre chose que vanité des vanités.  Non, vanité ne répond pas ta tristesse. Oui, ta tristesse quand je ne veux plus voir ni entendre. Oui, voir les noirceurs de ce qui nous encercle. Non, les noirceurs de ce qui part en cercles autour de nous quand nous perdons la vitesse de nos marches. Nous nous perdons dans la buée. Oui, nous ne voyons plus nos pas. Non, nous voyons nos pas qui piétinent sur place. Je marche dans tes pas et tu marches dans mes pas et nous nous piétinons dans le noir de la noirceur. Oui, le noir de tes lunettes qui voient le noir de mes yeux. Oui pupille de ma pupille, je te vois tout voir en noir. Et mes yeux se renversent en malheur du jour. Oui, ce jour qui nous encercle dans la griseur de tous les jours d’un toujours encore plus noir. Non, tout le passé s’éclaircit dans ce demain qui fuit. Oui, dans nos pas qui piétinent dans nos yeux. Oui, nos pas font le noir de nos yeux qui font des cercles. Non, nos yeux font des cercles dans nos pas qui piétinent en rond. Oui, en rond de ronds. Alors la spirale de nos noirceurs dans la griseur des jours élargit la lumière du noir de tes yeux. Oui, tes yeux illuminent mes pas qui éclairent le noir de mes yeux. Non, de tes yeux qui brillent d’une lumière noire pour que mes pas portent ta lumière. Non, ton désespoir porte mes pas vers ta lumière noire. Non, ton désespoir fait l’éclair de tes yeux pleins de buée. Oui, tu éclaires le cercle de nos buées.

1 commentaire:

philippe a dit…

Serge, juste pour le plaisir de la résonance, un petit extrait d'un "traité de l'évaporation" :

la mémoire se laisse pousser les cheveux
pour retenir la buée nous la buée
on est
ce qu’on oublie tout
ce qu’on a oublié
d’être
dans les nœuds les boucles dans les mèches qui s’échappent

***

de ce qui disparaît la voix
fait un arbre
pour se rattraper aux branches et rien
demeure rien
ne dure pourtant l’invisible longtemps
continue en nous de frémir

***

le monde ne compte pas sur ses doigts
on est à nous
tous le nombreux du monde
on tend la main la tendre
infinit saisir
infinit lâcher prise

Philippe Païni