samedi 21 mars 2009

Au pays de l'oubli (chapitre 10)


Un soir on le retrouva fou. À lier. Et lié. Il l’avait été par un homme. Qu’il avait interpellé à cette fin. Il avait erré puis son errance. L’avait conduit à exiger qu’on le fixe. Qu’on le lie. Qu’on l’arrête. C’était après avoir vu la tombe. La tombe de la jeune fille. La jeune fille qu’il avait étreinte. Jusqu’à l’étouffement quand elle était déjà morte. Depuis ce jour il étouffait. Courait. Riait à en perdre. Le souffle. La vie. Il revenait sur la tombe. Arrachait une fleur. La mangeait. S’étouffait. Revenait calmé. Riait. Écrivait des lettres. Il y racontait le vide. Le désespoir et la haine. Ne se plaignait pas. Il n’avait rien. Disait-il comme en conclusion. Avant de souhaiter ne revoir personne. Et la lettre se prolongeait. En soliloque à voix haute. Au milieu de chacun il prenait peur. Comme si quelqu’un lui enjoignait. Quelque chose. Dans une langue compréhensible de lui seul. Et il cherchait la suite. Tombait dans la confusion. Ne trouvait plus la fin. De la phrase. Se querellait avec n’importe qui. Veux-tu bien me rendre mon langage. Alors il répétait le dernier mot venu. Le premier mot trouvé. Plutôt. Il recommençait et demandait. Qu’on le liât. Qu’on l’attachât. Qu’on le bâillonnât. On l’embrassait. On le couchait et il priait. Toute la nuit.

Aucun commentaire: