samedi 14 mars 2009

Hourvari avec Henri Meschonnic

Deux événements en un livre: 
- une nouvelle collection lancée par Belinda Cannone avec un titre qui oriente pour "de stimulants éloges de la liberté de l'esprit": "Hourvari". 
- l'idée forte de commencer cette collection qui veut offrir "des sortes de 'coins' dans la pensée contemporaine" avec le livre de Henri Meschonnic présenté ci-dessous avec une quatrième signé par son auteur.
Deux événements parce que ce dont on a besoin, et cela urge, c'est de penser la situation: non de plaquer sur la situation des schémas comme il s'en trouve tellement pour rassurer les assis de la pensée et les rassis de l'histoire de la pensée mais d'inventer dans le continu d'un travail qui ne date pas d'aujourd'hui - celui de Henri Meschonnic - les conditions d'une paresia qui bien plus poétiquement que ne l'entendait Michel Foucault, non seulement lie dans et par le rythme du poème éthique et politique mais également langage et relation. L'intempestivité de la pensée n'est pas alors seulement celle du courage des idées, de la franchise du dire mais surtout celle de l'engagement du poème du côté du vivre qui est un réveil des vivants contre tout ce qui fait sommeil tranquille. Une telle intempestivité travaille les historicités, ne cesse de bouger tout ce qui se veut dans le temps se gaussant d'être post-, par exemple... D'où le succès aujourd'hui de tout ce qui fait récit, se dit récit, joue au récit (story-telling): jusqu'aux joueurs de syntaxe qui tiennent leur phrase dans son récit (les Hocquard et autres Roubaud). On ne manque pas de grammairiens du temps! Meschonnic nous montre qu'ils sont tous des embaumeurs de cadavres et que leurs petites fins ne feront jamais la force du moindre petit inachèvement qu'est un poème. Un poème qui continue le glissement de l'un à l'autre, de l'identité dans l'altérité, de l'art dans la vie, de la modernité dans l'historicité, de la spécificité dans la pluralité. Avec Meschonnic, on jette aux orties de l'époque la grammaire des compositeurs post-modernes pour inventer le rythme-relation des essayeurs de liberté. Ces solitaires qui construisent toujours à contre-époque le poème du présent toujours au présent, jamais vectorisé mais toujours emporté. Oui! il faut s'emporter contre le post-moderne pour devenir enfin moderne contre toutes les modernitudes : devenir des rapports nouveaux, des rythmes-relations, et donc surtout que le poème emporte cet emportement au lieu souvent d'en rester à une posture d'empoté si ce n'est d'engagé qui ne se dégage de rien. Bref, avec ce dernier livre de Meschonnic, dont je ne montre ici que le mouvement pour me promettre d'y revenir très précisément plus tard, on (re)commence à travailler "par une série de déchiffrements" (Mallarmé) pour penser du sujet et de la relation "quand le signe ne peut rien dire" (p. 137) de leur continu, de leur modernité justement, autrement qu'à rejouer un syncrétisme déspécifiant, sourd au plus petit mouvement que fait le plus petit poème, alors forcément rejeté si ce n'est rendu inaudible, invisible, inanalysable, illisible, obscur pour le moins... Devenir moderne c'est alors augmenter sa capacité d'écoute à tout ce qui devient, nous fait devenir sujet, sujet-relation puisque le mouvement est alors infini, inachevable, toujours en cours, en cours de sortir de tout ce qui arrête croyant comprendre (ah! l'histoire de l'art et de la littérature!), fixe un tant soit peu le temps, le cours du temps. Assez des vecteurs et des convecteurs! La modernité de la modernité demande bel et bien de sortir du post-moderne. C'est la moindre des choses pour rester vivant: non pas vivre son temps mais vivre tout le temps. Hourvari!

Henri Meschonnic, Pour sortir du postmoderne, Paris, Klincksieck, coll. "Hourvari", mars 2009, 160 p.

Isbn 13 (ean): 9782252037171
17 euros

    Quatrième de couverture:

    Si ce livre est « pour », c'est parce qu'il est un « contre ». Contre le cumul inimaginable de clichés culturels qui font la masse des académismes, des idées reçues sur ce qui est moderne et ce qui ne l'est pas, et sur ce qui aurait dépassé la modernité (on ne sait plus combien de sens a ce mot) et qui se dénomme le postmodernisme.
    Alors on peut se demander d'où et comment on pourrait en faire la critique, d'où et comment on pourrait rire et faire partager ce rire. La comédie est ici celle du sérieux. C'est la farce de la pensée.
    Eh bien elle vient du poème, qui apprend à rire du signe, elle vient du continu corps-langage qui apprend à rire des formes diverses du discontinu. C'est cette folie de rire de la folie qui n'est pas vue comme une folie, puisqu'elle se prend tellement au sérieux qu'on la prend au sérieux. Alors vous êtes conviés à ce rire. Je ne connais rien de plus sérieux. 

    Henri Meschonnic

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