jeudi 20 janvier 2011

Contributions. Contextes et résonances


Un chercheur contribue à une œuvre collective dont il ne sait pas bien le devenir même s’il a quelques idées sur son histoire, sa constitution disciplinaire et son organisation institutionnelle. J’ai pu donner l’impression dans la seconde partie de cette présentation de mes travaux que le vœu de marginalité pouvait primer sur l’inscription dans les cadres académiques. Je me serais alors fait mal comprendre car comme le signalait Jean Bollack lors d’un entretien avec Patrick Llored : « Les traditions ne s’analysent et ne se renouvellent que du dedans, en fait d’un dehors du dedans[1] ». Le philologue m’aiderait alors à mieux cerner ce qui oriente au fond l’ensemble de mes publications au sens de contributions. Si je rassemble sous ce dernier titre quelques articles pour des revues et quelques chapitres pour des ouvrages collectifs dont je n’ai pas eu l’initiative, ce n’est pas pour les dissocier des ouvrages par la seule forme éditoriale : c’est justement pour rappeler que toute publication n’a d’intérêt que comme contribution précisément au sens que Bollack donnait. Une recherche se situe au sein de la tradition, qu’un collectif de chercheurs fait vivre. Elle en continue l’œuvre et surtout elle en maintient l’acuité critique sous peine de confondre tradition et académisme. Ce travail de la critique au sein même de la tradition est précisément le travail d’une altérité (« un dehors ») qui ne cesse d’inventer une identité toujours à neuf d’un corps en mouvement, collectif sans collectivisme, qui n’a de cesse d’œuvrer à ce que la tradition s’invente comme devenir. Sinon, la tradition n’est plus la tradition mais son cadavre exposé dans un musée dont les gardiens n’ont plus qu’à veiller aux portes et aux fenêtres évitant d’y prendre quelque courant d’air pendant que les vents de la création soufflent au dehors… ou au dedans !

Ceci dit, la métaphore m’égare quand il faudrait resserrer le propos et revenir à cette notion de « contribution » dont le pluriel importe (« contributions ») pour maintenant en montrer tout l’intérêt. Quant aux savoirs, on sait que Michel Foucault préfère au « sujet de connaissance (historique ou transcendantal) qui les inventerait successivement ou les fonderait à un niveau originaire », « plutôt une volonté de savoir, anonyme et polymorphe, susceptible de transformations régulières et prise dans un jeu de dépendance repérable[2] ». Ainsi, refusant aussi bien l’individualisme méthodologique que le holisme explicatif, Foucault signale que « la transformation d’une pratique discursive est liée à tout un ensemble fort complexe de modifications qui peuvent se produire soit hors d’elle (dans les formes de production, dans les rapports sociaux, dans les institutions politiques), soit en elle (dans les techniques de détermination des objets, dans l’affinement et l’ajustement des concepts, dans le cumul de l’information), soit à côté d’elles (dans d’autres pratiques discursives ». Loin de moi l’idée de répondre à un tel programme avec les quelques « contributions » qui suivent et dont je sais fort bien qu’elles ne constituent, loin s’en faut, un échantillon valide de la recherche en littérature, voire même une contribution à cette dernière au sens où alors une contribution pourrait se mesurer au trébuchet d’une évaluation. Toutefois, j’ai tenté dans un triple mouvement de présentation de tenir le défi du programme de Foucault. L’association, le transfert et la transmission constitueraient trois modalités continues de ce programme où les contributions à la recherche dans des registres et des accompagnements très variables inventeraient autant les reprises que les déprises qu’elles engagent, les entrées et les sorties qu’elles permettent, les décentrements et les recentrages qu’elles promeuvent.

Reconsidérer ses propres contributions c’est d’abord exprimer une grande considération à l’égard de ceux et celles qui les ont suscitées, accueillies, discutées, éditées et de tous ceux qui les ont lues ou même parcourues. Alors chaque contribution inaugure le commencement d’une relation infinie dans et par la recherche comme « volonté de savoir […] prise dans un jeu de dépendances repérables ».

Auteur, lecteur : la relation dans et par le langage

Après la mort de l’auteur, la scène critique n’a pas organisé la mort du lecteur même si la cote d’alerte a souvent été déclenchée par des Cassandres. Pour me limiter au domaine, la poésie, qui dans les contributions retenues viendra fréquemment augmenter sa nourriture du multiple qui l’organise, je n’oublie pas les sempiternels débats lors des rencontres « poétiques » sur l’absence de lecteurs ou la déficience des institutions culturelles et scolaires pour « la Poésie »[3]. Les ritournelles de la déploration, orchestrées par les poètes eux-mêmes, de Jean-Marie Gleize[4] à François Bodaert[5], souvent au diapason d’autres discours dans d’autres domaines[6], ne cessent de confirmer des essences (la « Poésie », les « Français ») dans des dispositifs qui se répètent en boucle depuis la reprise de la question « Hölderlin » des heideggériens[7] : A quoi bon des poètes en un temps de manque[8] ? Ghérasim Luca avait répondu par un texte décapant, « La question », en pointant l’inanité de cette mise à la question : « Avant d’être outrance d’un solide / ce vide fut fluide absolu[9] »…

Resterait le fait que ces ritournelles de la déploration semblent recouvrir les déclarations qu’on dirait de bon sens si elles ne venaient des plus grands comme celle que Jacques Dupin proposait à l’occasion d’un dossier rejouant la ritournelle lui aussi dans son titre et dans bien de ses contributions (« Absence de la Poésie ? ») : « Il n’y a jamais eu en France à ce jour autant de poètes écrivant, publiant, lisant en public, autant d’éditeurs et de revues de poésie, autant de subsides de l’État pour les soutenir[10] ».

Aussi j’aimerais commencer cette revue des contributions par l’une d’entre elles pour un colloque consacré à « l’auteur, entre biographie et mythographie ». Non seulement un tel titre annonce en partie l’orientation actuelle de mes recherches mais surtout ce colloque m’a permis d’y introduire ma problématique de la relation non sans y adjoindre un « intermède litanique ». Ce dernier s’amusait à répondre aux ritournelles de la déploration par une jubilation des individus concrets dans leur continu « indéchirable », comme le revendique Paul Claudel convoqué dans l’épigraphe.

« Auteur, lecteur : la relation dans et par le langage », dans Modernités, n° 18 (« L’auteur entre biographie et mythographie »), Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2003, p. 271-283.

3.1. S’associer aux recherches :

reprises et déprises

Il faudrait toujours faire Contre Sainte-Beuve – comme on dit « faire son devoir » ou « faire de l’anglais » et aussi « faire de son mieux », non pour répéter Proust mais afin de veiller à associer le plus possible les recherches au plus près des œuvres, au plus près de l’historicité de chaque lecture, aux recherches qui tentent de penser ce que nous font ces œuvres à nous en tant que chercheurs en littérature et donc ce que ces œuvres font à la critique. Il est alors nécessaire de construire le concept de spécificité toujours au plus près de la littérature en actes, en actes d’écriture et de lecture et en actes de critique jusque dans les problèmes de traduction ou dans les situations qu’on a coutume d’appeler trans-sémiotiques quand il serait plus judicieux de parler de trans-sémantiques puisque d’une activité artistique à l’autre, c’est toujours dans et par le langage que les passages de subjectivation s’opèrent.

Proust souligne le fait que « les livres sont l’œuvre de la solitude et les enfants du silence[11] ». Ce qui n’est pas sans suggérer ici le fait que le travail de l’écriture en recherche est aussi le travail d’un dire qui ne peut se limiter au « désir de dire quelque chose ». Un tel travail a certainement besoin de ses reprises et déprises pour que s’entende « comme le souvenir d’un air » parce que « ceux qui sont hantés de ce souvenir confus des vérités qu’ils n’ont jamais connues sont les hommes qui sont doués », je dirais libres. Il ne s’agit pas de s’en (r)assurer mais tout simplement, ainsi que Proust l’a fait, de viser dans ce qui contribue à l’accompagner, « la beauté », non « comme un superlatif de ce que nous imaginons, comme un type abstrait que nous avons devant les yeux, mais au contraire un type nouveau, impossible à imaginer que la réalité nous présente ». Et Proust de préciser, « la beauté, en étant particulière », alors « multiplie les possibilités de bonheur[12] » : j’y vois une formulation des plus efficace pour orienter le travail critique par la spécificité de l’œuvre, autrement dit sa valeur comme passage infini de bonheur – au sens où ce dernier peut être conçu comme la résultante d’une association de l’intelligence et de l’instinct, sachant que celui-ci « doit occuper la première » place mais que l’intelligence est la seule à pouvoir établir qu’elle est seconde[13]. On comprend alors que, pour Proust, « un ouvrier […] peut être baudelairien » tout comme « il est aussi vain d’écrire spécialement pour le peuple que pour les enfants[14] » ! L’association, quand on fait Contre Sainte-Beuve, est donc celle qui œuvre à tenir ensemble poétique et éthique, poétique et politique.

On trouvera alors dans les contributions qui suivent :

une critique d’un livre de Dominique Maingueneau pour situer la littérature aujourd’hui,

une longue citation de Mallarmé alors qu’on est habitué aux courtes,

un poème du renard qui fait la nue-bête pour rendre compte de la fable à l’œuvre dans certains poèmes d’aujourd’hui,

une théorie où on sait ce qui vaut mieux d’une porte sans clé ou d’une clé sans porte,

un kaddish qui retourne le sens de la prière,

un psaume qui touche tout un chacun,

un noyau d’olive à retourner dans la bouche encore et encore

et, pour ne pas s’arrêter d’inventer l’enfance au régime d’un inventaire infini, un Prévert sans prothèses…

Autant de reprises qui ne vont pas sans déprises – où se cachent peut-être quelques méprises mais jamais aucun mépris car ce n’est pas « écrire pour » ou « contre » qui fait l’enjeu d’une recherche avec les œuvres mais écrire « avec ».

3.1.1. Introduction

La littérature de jeunesse : inventer sa critique en zone critique

« La littérature de jeunesse : inventer sa critique en zone critique » dans Le Français aujourd’hui, n° 160 (« La critique pour quoi faire ? »), Armand Colin, mars 2008, p. 31-42

3.1.2. Les écritures, les lectures :

Pour une poétique relationnelle des lectures-performances

« Pour une poétique relationnelle des lectures-performances » dans Traverses n° 8 (« Arts du langage, construire une transversalité », Actes des journées des 10 et 11 juin 2005, Université de Montpellier III »), Montpellier, LACIS- Université Paul Valéry-Montpellier III, 2006, p. 51-68.

Penser le renard d’écriture dans la relation corps-langage

« Penser le renard d’écriture dans la relation corps-langage » dans Cahiers Robinson n° 16 (« Renart de male escole »), Arras, Presses de l’Université d’Artois, 2004, p. 65-78.

Les poèmes au cœur de l’enseignement du français

« Les poèmes au cœur de l’enseignement du français », dans Le Français aujourd’hui n° 169 (« Enseigner la poésie avec les poèmes »), Paris, Armand Colin, juin 2010, p. 3-14.

3.1.3. Les traductions, les situations :

Le poème, un retour de vie. Actualités du Kaddish

« Le poème, un retour de vie. Actualités du Kaddish » dans M. Bercot et C. Mayaux (dir.), Poésie & Liturgie XIXe-XXe siècles, coll. « Littératures de langue française », Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New-York, Oxford, Wien, Peter Lang, 2006, p. 261-276.

La traduction comme poème-relation avec Henri Meschonnic

« La traduction comme poème-relation avec Henri Meschonnic » dans B. Bonhomme et M. Symington (éds.), Le Rêve et la ruse dans la traduction de poésie, Paris, Honoré Champion, 2008, p. 131-143.

Henri Meschonnic traducteur du Livre de Jonas : une relation de voix

« Henri Meschonnic traducteur du Livre de Jonas : une relation de voix » dans Graphè n° 19 (« Le Livre de Jonas »), Arras, Artois Presses Université, 1er trimestre 2010, p. 201-216.

3.1.4. Conclusion

Prévert : les poèmes contre la Poésie pour tout (re)tourner en enfance

« Prévert : les poèmes contre la Poésie pour tout (re)tourner en enfance », dans Les Cahiers Robinson n° 27 (« A l’école Prévert »), Arras, Artois Presses Université, 2010, p. 17-28.

3.2. Transférer la recherche :

entrées et sorties

Dans un entretien avec Gérard Macé pour France-Culture, Jean Starobinski évoque la métaphore du chemin qu’il développe à partir de Voltaire. Pour Starobinski, Voltaire est « attentif à l’inconséquence ». C’est pourquoi il « met en chemin des personnages qui se méprennent, en butte à l’imprévu, dont ils reçoivent la leçon salutaire ». Starobinski en conclut que « La méthode des écrivains, c’est au sens littéral le chemin qu’ils suivent ou font suivre à leurs personnages ». La répartie facile, Gérard Macé signale à Starobinski « le cygne de Baudelaire, qui boite lui aussi ». Et Starobinski de répondre merveilleusement ceci :

Oui, c’est un admirable exemple. Entre les images de l’être entravé et celles du voyage, l’univers de Baudelaire ne nous est-il pas révélé dans la variété des expériences motrices vécues ou imaginées ? Entre le voyage forcé de sa jeunesse et la paralysie finale. Ces indices de mouvement, c’est souvent dans les esquisses, les ébauches, les textes inachevés qu’on pourrait les trouver. Nous aimons aujourd’hui remonter aux premiers jets…[15]

J’aimerais ici pouvoir valider cette proposition de Jean Starobinski : que ces contributions dispersées soient chaque fois comme des mises en chemin à la suite de personnages notionnels ou plus certainement d’expériences qui mises en perspectives ou plutôt mises en voix se constituent comme des personnages qui nous prennent la main pour aller vers notre propre inconnu. Je doute d’avoir chaque fois et d’une contribution à l’autre semé autant d’« indices de mouvement » car, comme le précise Macé dans son mot de conclusion après cette belle proposition de Starobinski :

Je me demande alors si on ne confond pas l’expression et son caractère spontané, qui peut apporter un soulagement, avec la forme artistique plus élaborée, qui demande du temps et des métamorphoses, mais qui apporte une libération plus profonde[16].

Peut-être faudra-t-il donc ici se contenter d’« un soulagement ». Toutefois, l’inachèvement qu’est toujours une contribution, ne serait-ce que parce qu’elle est relation, mise en mouvement des lectures et des réciprocités dans la pensée, serait celui d’un engagement qui invente plus une transsubjectivité qu’un solipsisme stylistique ou idéel. En effet, le plus souvent une contribution advient dans et par des inconséquences ou, si l’on préfère, dans et par les interstices des identifications, mais peut-être aussi, comme le propose Dominique Rabaté, par une « pluralisation des identifications[17] » c’est-à-dire par « ce cheminement qui va d’identification partielle en identification partielle ». Aussi ne puis-je qu’acquiescer à sa proposition visant à dissocier « mouvement d’identification » et « aliénation que génèrerait la fiction ». Ce qui permettrait d’engager une critique de maints discours didactiques satisfaits de compter sur la seule distance que le lecteur doit prendre avec le texte. Toutefois, je ne pense pas que « l’inconnu » qu’aucune lecture « ne peut programmer » puisse être désigné comme un « tiers imprévisible », un « au-delà de l’assurance supposée d’un sujet », car ce serait justement laisser intact la conception d’un sujet de la lecture forcément assignable à une identification. L’imprévisible est en lecture et donc en écriture ce qui fait du sujet quand l’assignation renvoie au mieux à un sujet hors le mouvement de la lecture/écriture. Et c’est exactement ce que Rabaté signale in fine : « Continuer à être un sujet, c’est précisément ne pas bloquer les identifications, mais les relancer en y répondant » même si je préférerais dire qu’au mieux on peut « continuer à » devenir « sujet ».

Ce devenir sujet est ce que tentent ces contributions réunies ici sous l’emblème du transfert : « c’est de l’amour qui s’adresse à du savoir. Pas du désir », comme disait Lacan[18] ? Certainement ! mais à condition d’apercevoir ce qui prime : l’adresse, comme mouvement du transsubjectif, plus que les termes (amour ou savoir). Et comme Lacan le suggérait dans sa théorie du transfert, autant de sorties que d’entrées pour que ces contributions n’œuvrent qu’à maintenir l’appel de ce qu’on ne peut obtenir, de ce qui encore n’a pas de nom. Que cela se situe du côté de l’altérité ou de l’engagement, une certaine ignorance active viendrait ici hors de toute mesure ou calcul voire intention comme rechercher un tel mouvement de transfert. Parce qu’on aime sans comprendre et que même aimer ne permet pas de comprendre, parce qu’on est engagé avant qu’une forme ou une raison n’en constitue la justification, le discours de la contribution répondrait à un appel de l’inconnu prenant son départ sur la « passe[19] » d’une danse qui n’a pas encore commencé à exister. Ce que les performances de Tadeusz Kantor ont toujours réussi à inventer : cette « oraclitude » qui nous met dans la « chute à pic de l’esprit », comme écrivait Artaud.

« Ce qui manque entre le mouvement et la voix », comme écrit Vargaftig dans Un même silence : voilà exactement le devenir sujet de contributions qui se vouent au tranfert.

3.2.1. Introduction

Quelle danse pour le langage ? Quel langage pour la danse ? Vers Tadeusz Kantor

« Quelle danse pour le langage ? Quel langage pour la danse ? Vers Tadeusz Kantor » dans Théâtre/Public n° 189 (« Théâtre/Oracle » dirigé par Henri Meschonnic), Association Théâtre/Public, Gennevilliers, juin 2008, p. 68-74.

3.2.2. Les altérités

Poème tout comme

« Poème tout comme », Amastra-N-Gallar, n° 10 (« James Sacré »), Santiago de Compostela, automne 2005, p. 45-49.

Frankétienne : la volubilité d’un oiseau écouté au phénakistiscope

« Frankétienne : la volubilité d’un oiseau écouté au phénakistiscope », Triages n° 20, Saint-Benoît-du-Sault, 2008, p. 140-145.

Henri Meschonnic et Bernard Vargaftig : le poème relation de vie après l’extermination des juifs d’Europe

« Henri Meschonnic et Bernard Vargaftig : le poème relation de vie après l’extermination des juifs d’Europe » dans Annelise Schulte Nordholt (dir.), Témoignages de l’après-Auschwitz dans la littérature juive-française d’aujourd’hui. Enfants de survivants et survivants-enfants, « Faux titre n° 327 », Amsterdam / New York, Rodopi, décembre 2008, p. 136-150.

3.2.3. Les engagements

Au-delà des banlieues, il y a des hommes libres

« Au-delà des banlieues, il y a des hommes libres » dans V. Houdart-Mérot et M.-M. Bertucci (dir.), Situations de banlieues. Enseignement, langues, cultures, Lyon, INRP, 2005, p. 175-185.

Engagés, les poèmes-relations de Bernard Noël

« Engagés, les poèmes-relations de Bernard Noël » dans F. Scotto (dir), Bernard Noël : le corps du verbe, Colloque de Cerisy, Lyon, ENS Éditions, 2008, p. 69-82.

Le poème, une éthique pour et par la relation rythmique

« Le poème, une éthique pour et par la relation rythmique (notes sur Henri Meschonnic et Ludwig Wittgenstein) » dans B. Bonhomme et M. Symington (éds.), Le Rythme dans la poésie et dans les arts, Interrogation philosophique et réalité artistique, Paris, Honoré Champion, 2005, p. 357-373.

3.2.4. Conclusion

Le poème : l’appel

« Le poème : l’appel » dans Béatrice Bonhomme, Serge Martin et Jacques Moulin (dir.), Méthodes !, revue de littératures française et comparée semestrielle, n° 15 (Avec les poèmes de Bernard Vargaftig. L’énigme du vivant, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, juillet 2008), Vallongues, printemps 2009, p. 127-135.

3.3. Transmettre les problèmes :

décentrements et recentrages

Le risque est grand dans l’exposé du parcours d’une recherche de jouer l’immobilité pour mieux montrer la fidélité à un projet et souvent à une conviction qui mérite bien quelque obstination voire un certain psittacisme. Certes dans une telle démarche, il faudrait distinguer, comme le demande Jean-Pierre Martin, l’« héroïque immuabilité du maître inébranlable » et « l’inflexibilité moins reluisante du disciple inconditionnel[20] ». Je serais le premier s’il s’agissait de m’identifier quelque peu à me voir attribué « la bêtises des épigones » qu’on ne peut confondre avec « la fraîcheur de l’invention » qui a fasciné mes « phares »… Heureusement pour moi et pour d’autres aussi, Martin considère « un peu facile » le dualisme qui opposerait les « immuables » aux « mutants », Debord et Breton à Vailland et Koestler pour se limiter à quelques figures « phares » qu’il évoque. Et il s’interroge pour défaire ce qui peut n’être qu’une apparence voire « un conte assez pervers » puisque « les désinvoltes ou les inconstants peuvent eux-mêmes être des nostalgiques de l’unité perdue » :

Comment ne serions-nous pas alternativement traversés par les deux tentations, poussés en avant par l’aspiration à sortir de soi, tiraillés en arrière par la force de nos habitudes ?

Mais alors se demande Martin, et il le fait significativement après avoir évoqué le « cas Bernanos », « faudrait-il renvoyer dos-à-dos les fugueurs invétérés et les immobiles de surface ? » Il faudrait en effet considérer « l’irrépressible » dont les meilleurs ne peuvent vraiment relever le défi autrement qu’à s’en remettre non aux résultats mais aux essais, à ces « expérimentations tâtonnantes qui tendent parfois à se confondre, dans des récits enthousiastes ou tourmentés, avec l’entreprise de la littérature – mais aussi avec l’entreprise même du vivre, qui reste un non-vieillir tant qu’elle donne la possibilité d’un à venir et d’une mutation nouvelle ». Et Martin de conclure par ce qu’il appelle « une hypothèse ou une utopie » que la vita nova permet à l’encontre de la position d’un Maurice Barrès, « le dernier Barrès, celui des Déracinés et du roman de l’énergie nationale », qu’il cite :

Jetant un défi à ce culte de la « collectivité qui pense en nous », elle reforge la notion d’individu, comprise ici comme une conquête, un procès, une individuation toujours problématique. Chez les écrivains, elle se confond quasiment avec le projet d’une œuvre qui ne regarde pas derrière elle ; chez les individus qui savent en saisir la chance ou l’occasion, avec le surgissement d’un avenir qui n’était pas programmé.

Aussi, il y aurait à maintenir les problèmes tout en les transmettant : tel serait ici même l’enjeu de ce troisième ensemble de contributions qui, en engageant toujours la relation et le poème, les emportent avec quelques risques vers la relation romanesque et la relation didactique pour à la fois continuer ce qu’avec un article publié avant ma thèse je tentais de faire l’hypothèse (« penser avec le sujet du poème ») jusque dans le combat permanent de la relation contre la communication s’agissant de transmission et donc d’enseignement.

Aussi, la transmission des problèmes qui sont toujours singuliers et liés à des circonstances saisies et parfois offertes, vient-elle comme confirmer « une part inaliénable, et surtout plastique et transformable », ainsi que Jean-Pierre Martin le signale à propos de Roger Vaillant. Avec un brin d’auto-ironie qui sied à une présentation académique d’autant plus prétentieuse qu’elle pourrait confiner à l’hagiographie aveugle d’un parcours semé d’embûches et d’erreurs, oubliant qu’elle « ose envisager les dates qui ponctuent l’histoire personnelle d’un individu à la façon dont la grande Histoire raconte ses événements et ses révolutions », puis-je me permettre de rappeler qu’« il y a plus d’un ours qui s’appelle Martin ». En effet, j’aimerais rappeler les récits hagiographiques concernant la vie de Saint Martin qui évoque le fait que ce dernier supportait « péniblement la vie en société » lui préférant « les solitudes boisées » ; sans compter le fait que « le nom de Martin » comme celui de Merlin « sont l’un et l’autre l’émanation spécifique d’un prototype celtique commun que l’on supposera être une figure d’homme sauvage ». C’est heureux que ce prototype ait connu « une double évolution par christianisation (dans l’hagiographie) et par folklorisation (dans la littérature médiévale et les contes folkloriques) » comme le rappelle Philippe Walter[21]. Alors ce « palimpseste », qu’est selon Walter l’hagiographie médiévale et qui demanderait plus d’un décloisonnement disciplinaire, nous convie à proposer ces contributions sous le double signe non contradictoire des recentrages et des décentrements. Chaque contribution signerait la part inaliénable d’une individuation en recherche, en permanence redevable de ce qui la traverse, de ce qui l’emporte là où elle ne sait pas qu’elle peut se trouver et peut-être même se retrouver comme un problème qui n’a pas seulement continué ses questions mais ouvert son champ d’interrogation à ce qui le motivait profondément, à son insu même.

3.3.1. Introduction

Entre communication et relation

« Entre communication et relation » dans E. Fraisse et V. Houdart-mérot (dir.) Les enseignants et la littérature : la transmission en question, Créteil, SCEREN, CRDP de Créteil, Université de Cergy-Pontoise, 2004, p. 275-288.

3.3.2. Poème : la relation romanesque

Les enfants de Le Clézio : des corps-langage fabuleux

« Les enfants de Le Clézio : des corps-langage fabuleux », Cahiers Robinson n° 23 (« Le Clézio aux lisières de l’enfance »), Université d’Artois, mars 2008, p. 77-88.

Voisiner en poète : avec Henry Bauchau habité d’altérité

« Voisiner en poète : avec Henry Bauchau habité d’altérité » dans Catherine Mayaux et Myriam Watthee-Delmotte (éds.), Henry Bauchau : écrire pour habiter le monde, coll. « L’Imaginaire du texte », Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2009, p. 63-72.

La prose pleine de proses de Bernanos ou l’invention d’une voix-relation

« La prose pleine de proses de Bernanos ou l’invention d’une voix-relation » dans Laure Himy (dir.), Questions de style (« Vous avez dit prose ? »), Presses Universitaires de Caen, 2009.

3.3.3. Poème : la relation didactique

Donner la parole aux sans-voix

« Donner la parole aux sans-voix », Le Français aujourd’hui n° 150 (« Voix, oralité de l’écriture »), Paris, Armand Colin, septembre 2005, p. 79-89.

Vers le sujet du poème dans les lectures/écritures

« Vers le sujet du poème dans les lectures/écritures », Le Français aujourd’hui n° 153 (« Enseigner l’écriture littéraire »), Paris, Armand Colin, juin 2006, p. 53-59.

Les albums, un problème pour la vie et la théorie du langage

« Les albums, un problème pour la vie et la théorie du langage » dans Christiane Pintado, Florence Gaiotti et Bernadette Poulou (dir.), Modernités n° 28 (« L’album contemporain pour la jeunesse : nouvelles formes, nouveaux lecteurs ? »), Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, novembre 2008, p. 253-263.

3.3.4. Conclusion

Il y a pli & pli. Penser avec le sujet du poème

« Il y a pli & pli. Penser avec le sujet du poème », Europe n° 851 (supplément au n° 850, « Littérature et philosophie »), mars 2000, p. 202-212.


[1]. J. Bollack, Sens contre sens. Comment lit-on ? Entretiens avec Patrick Llored, Genouilleux (Ain), La Passe du vent, 2000, p. 15.

[2]. M. Foucault, « La volonté de savoir », Annuaire du Collège de France, 71e année, Histoire des systèmes de pensée, année 1970-1971, 1971, p. 245-249, repris dans Dits et écrits. 1954-1988, II. 1970-1975, éd. de Daniel Defert et François Ewald, Paris, Gallimard, « Bibliothèques des sciences humaines », 1994, p. 241.

[3]. Voir le très honnête travail de Sébastien Dubois, « L’introuvable public de la poésie ? », http://pagesperso-orange.fr/lepaysagedelapoesie/Library/pagelectorat.pdf. Voir également, malgré la déception qu’on peut ressentir après sa lecture, le mémoire d’études (Diplôme de conservateur de bibliothèque ») sous la direction de Jean-Claude Annezer (directeur du SCD de Toulouse II Le Mirail) de Alexia Vanhee, « La poésie contemporaine en bibliothèque universitaire », ENNSIB, 2009, consultable à cette adresse : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-brut-21106.

[4]. Avec un art de la formule qui frappe encore plus au sceau d’une essence ce dont on dit qu’on parle, J.-M. Gleize écrivait que « jamais il ne s’est publié autant de poésie depuis que la poésie ne se publie plus » dans À noir. Poésie et littéralité, Paris, Le Seuil, 1992, p. 139. Gleize s’est fait le spécialiste de la déploration savante : voir par exemple la litanie qu’il offrait au début de sa contribution (« La poésie morte ou vive ») à Études françaises (vol. 27, n° 1, 1991, p. 103-117). Il concluait ainsi : « Anémie de la publication, carence de la critique, confidentialité de la diffusion, tel est le triangle des Bermudes dans lequel la poésie tend à disparaître » (p. 106). La trilogie fait la mythographie, pas sans quelques beautés.

[5]. François Boddaert concluait du fait qu’« il n’y a jamais eu plus de quelques milliers de lecteurs de poésie en France » que « le Français n’a pas la tête poétique » dans Bruno Grégoire, Poésies aujourd’hui, Paris, Seghers, 1990, p. 60.

[6]. J’ai toujours été étonné d’entendre chez bon nombre de poètes « contemporains » dits « d’avant-garde » les topoï de la déploration qui organisent les discours réactionnaires dans d’autres domaines (la crise de l’école, la crise de la famille, la crise des banlieues, la crise de la démocratie, etc.) : mythification d’un passé fictif, dualisation des publics et des attitudes, essentialisation des notions, désubjectivation des pratiques, etc.

[7]. J.-M. Gleize concluait son état de la poésie française par cette citation non référencée de Yves Bonnefoy : « La poésie est loin de sa demeure possible » (J.-M. Gleize , « La poésie morte ou vive », art. cité, p. 117). J’y vois une fois de plus l’essentialisation de ce super sujet (« la poésie ») dans une analytique où la « demeure » vient répéter « la maison de l’être ». Henri Meschonnic a appelé ce tropisme une « métathéologie » (Le Langage Heidegger, Paris, PUF, « écriture », 1990, p. 198) qui semble au principe du fonctionnement de notre ritournelle de la déploration.

[8]. Titre de l’ouvrage publié aux éd. du Soleil noir en 1978.

[9]. G. Luca, « La question » dans Paralipomènes dans Héros-Limite, Paris, Gallimard, « Poésie », 2001, p. 226.

[10]. J. Dupin dans Le Débat, n° 54, mars-avril 1989, p. 178.

[11]. M. Proust, Contre Sainte-Beuve (1954), Paris, Gallimard, « Folio essais », 1987, p. 303. Les citations qui suivent vont aux deux pages suivantes.

[12]. Ibid., p. 72 puis p. 73 et encore p. 72.

[13]. Ibid., p. 50.

[14]. Ibid. p. 304.

[15]. J. Starobinski, La Parole est moitié à celuy qui parle… Entretiens avec Gérard Macé (1999), Paris/Genève, France-Culture/La Dogana, 2009, p. 56-57.

[16]. Ibid.

[17]. D. Rabaté, « Identification du lecteur », Modernités n° 26 (« Le lecteur engagé. Critique, enseignement, politique »), Presses Universitaires de Bordeaux, 2007. Les citations viennent des pages 234 à 236.

[18]. J. Lacan, « Introduction à une édition allemande d’un premier volume des Écrits (Walter Verlag) » (octobre 1973), Scilicet, n° 5, École freudienne de Paris, Seuil, janvier 1975, p. 11-17.

[19]. Je me permets de citer cette définition trouvée sur le site http://www.psychanalyse-en-mouvement.net/articles.php?lng=fr&pg=1230 : « La passe est cette invention de Lacan qui tente de cerner ce moment et vise la fin de la cure. Comme il n’y a pas une théorie de la fin, il n’y a pas une théorie de la passe, d’où cette idée d’un dispositif permettant de prendre les passes comme autant de théories. La passe, comme expérience, implique rencontre et témoignage, franchissement et effet de surprise. Ce saut « de ceux que ne recueille jamais aucun jury d’agrément » (J. Lacan, Proposition sur le psychanalyste de l’école, Autres écrits, Seuil, 1967, p. 255) produit du nouveau et délimite pour un sujet un avant et un après, ce qui est aussi le propre d’un acte de création. Acte d’écriture, elle peut même à l’occasion relancer le sujet dans une dimension artistique. »

[20]. J.-P. Martin, Éloge de l’apostat. Essai sur la vita nova, Paris, Seuil, « Fictions & Cie », 2010, p. 246. Les citations qui suivent sont prises au court « Livre III », p. 243-259.

[21]. P. Walter, « Hagiographie médiévale et mythologie pré-chrétienne. Le cas de Saint Martin », Revue des Sciences Humaines n° 251 (« Hagiographies »), 1998. Les citations viennent des p. 48 et 49.

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