mercredi 21 septembre 2011

L'impossible... touché


Armand Dupuy (avec une couverture de bobi+bobi), La tête pas vite, La Fermeté (58160), Éditions Potentille, août 2011, 7,70 €

Les trois moments de ce livre font comme trois tentatives de retrait. Le négatif ne cesse de travailler toute avancée comme maîtrise et pourtant ces trois essais aux allures beckettiennes en prise et déprise font un agrandissement (Baudelaire) de la parole comme approfondissement et élargissement du rythme-relation. Non au sens d’une quelconque victoire du langage voire du poème qui se voit remis à sa place ou du moins éthiquement considéré au plus juste :
rater mais quand même / toucher mieux /// quelque chose
Cet indéterminé – et c’est là toute la réussite quoique le poème modalise toujours à contre victoire, à contre trouvaille même (« Ah ! la belle image », moque-t-il p. 26) –, cet indéterminé est vraiment touché dans et par le mouvement de retrait même. Réussite donc parce qu’il n’y a « pas grand chose à dire » : et c’est ce « pas grand chose » qui agrandit, nous agrandit, agrandit notre inconnu où le dire dans sa modalité d’amuïssement (je déplace cette notion de phonétique historique à ce que me fait ce poème : le considérable d’un « pas grand chose »…) suggère intensément – immensément, je le redis – et n’en prendrai qu’un exemple, car je ne saurais expliquer autrement qu’à réciter :
Vert-de-gris tire.
Rangée de cyprès, sapins, je ne sais plus.
Des bouleaux, (Birke – et le nom colle Birkenau).
La tête rumine
Oui ! le poème, c’est ce tirage qui rumine jusqu’à ce que tel mot (mais c’est discours, expérience, combien de vies) « colle ». Alors, les trois mouvements du livre – mais mon exemple serait trop restricitf dans sa portée maximale même – ne cessent de creuser son écoute propre, interne à la surface même de son activité sans leurres ou qui ne cesse de les congédier. Ils creusent sans jamais peser – en allégeant et c’est le paradoxe qui me fait sans cesse penser à Paul Celan et à le relire autrement qu’on a l’habitude – et le ratage se constitue – nous constitue nous comme subjectivation impossible à l’œuvre au cœur du poème – non comme réussite mais comme impossible touché.
« Tu n’y crois pas » : un tel impossible nous a été donné : « c’est rien » mais « c’est tout ce que j’aime », disait Annenski. Bref, je n’aurais rien dit mais j’aurais essayé de ne pas toucher à « qui de rien / ravale un bruit » pour que « la tête, pas vite » : ainsi titre Armand Dupuy les trois mouvements de son poème – ce livre qu’ouvre une couverture réalisée par bobi+bobi à la hauteur d’un impossible… touché !


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