dimanche 18 mai 2014

Une femme dit je suis cette homme (avec un livre de Chloé Bressan)

Chloé Bressan, Ces abîmes des promenades, Tregunc, La Sirène étoilée, 2014.


Un théâtre vocal en 26 séquences. Avec des voix qui font corps. Combien de voix. Une ou plusieurs. Peu importe. Chaque voix en est pleine. De voix. Les personnages alors sont comme les mannequins de Schutz. Que voix. Ne peuvent rester en place. Marchent. Comme les voix, font relation. Muent et meuvent. La terre, la forêt, la ville, les rêves. Cela demande que les phrases tournent. Souvent sur elles-mêmes comme derviches ou plutôt s’envoûtent. Ressassent à la manière de Ghérasim Luca non réductible à quelque procédé. Bégaiement ou autre puisque ça tourne. Reprises. Coutures et ressouvenirs en avant. Et c’est jamais les mêmes. Phrases comme paroles toujours au commencement d’un venir. Jusqu’à l’inouï : cette homme. Une femme dit je suis cette homme. Voir le féminin par l’écriture comme si l’inattendu. L’écriture fait venir. Le théâtre de voix fait voir les voix dans leur mue. Pas étonnant qu’un ange y grossisse. Engrossement d’une volubilité. Mais aussi retenue. La prière des mains jointes ne peut se dire prière. Et le rêve nous fait tourner. Danser dans la forêt des phrases. Un phrasé qui hallucine. Ma lecture hallucinée comme si piquée à la rose d’un dire. Aucune gesticulation performative. Des gestes comme intérieurs. Mentaux mais tellement pleins de corps. Des rêves pour survoir dans l’embrasure d’une femme. Dans les lèvres d’une voix. Voir cette homme et la mère de cette forêt. Se lier. Se perdre. La confusion des paroles vers une clarté. Comme un enroulement dans les lignes des mains. Les phrases s’y écrivent dans les emmêlements de promenades. Elles creusent leurs abîmes. On ne lit pas impunément. Visiblement on fait l’expérience d’un inconnu de la jouissance. Ou c’est le cri. On a comme peur au bord du livre. Peur de jouir. La peur qui tire, attire. Dans la voix qui tombe ou monte. On écoute encore. Encore. Encore.

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